Du goudron et des plumes

Les mystères de Paris. Du Goudron et des plumes mène l’enquête.

Que s’est-il passé dans la soirée du 29 mai 2012 au numéro 16 de la rue Cadet à Paris ? Une tranquille action du groupe féministe La Barbe se transforme en match de catch à l’initiative d’une bande de francs-maçons. Femmes invisibles contre hommes de l’ombre, mais que fait la police ?

Temple Groussier

Le Mardi soir, 29 mai 2012, 14 activistes du groupe d’action féministe La Barbe se rendaient au Temple Arthur Groussier afin de « féliciter » le Grand Orient de France. Elles se sont inscrites à la conférence publique organisée par le GODF sur le thème de la morale laïque et de la République et entrent donc dans le temple avec des invitations en bonne et due forme.

Au moment jugé le plus opportun, se mêlant à une tribune exclusivement masculine, elles investissent pacifiquement l’espace tandis que leur porte parole déclame le tract rédigé pour l’occasion :

« Messieurs, nos bien chers Frères du Grand Orient de France,
« Quelle morale laïque pour quelle République ? » vous demandez-vous ce soir. Mais c’est la morale même de la glorieuse franc-maçonnerie qui est menacée ! La Barbe vous met solennellement en garde : trois siècles durant, à l’instar de l’Eglise Catholique, le Grand Orient a su tenir les femelles en lisière; par quelle hérésie le convent a-t-il pu décider de laisser quelques loges scélérates admettre des sœurs depuis 2010 ? (…)
Le tablier des femmes doit être réservé aux tâches ménagères, aux hommes d’œuvrer pour la Gloire du Grand Architecte de l’univers. Longtemps, vous avez toléré en votre sein des loges mixtes comme l’Ordre initiatique et traditionnel de l’art royal (OITAR) et le droit humain (DH) ! Il est temps de faire le ménage sur le parvis. (…)
Ne vous laissez ni détourner, ni abattre. Vous êtes là. Vous serez là. Vive l’entresoi universel, vive la cooptation entre hommes.»

Au terme de leur courte intervention, les activistes se dirigent vers la sortie. Jusqu’ici tout s’est déroulé normalement ; une action classique de La Barbe. Certains maçons dans la salle s’indignent un peu. L’un d’entre eux lance : « je suggère qu’elles parlent à visage découvert », remarque qui ne manque pas d’humour pour une organisation dont la règle est le secret et l’anonymat.

action 1

action 2

action 3

action 4

Mais, alors qu’elles quittent dignement la salle, les barbues accompagnées d’une journaliste de la BBC et d’un photographe se trouvent rapidement encerclés par une bande de maçons. Une dizaine d’hommes, participants ou vigiles, se jettent sur le petit groupe. Ils arrachent caméras et appareils photos, se saisissent du sac du photographe, des papiers d’identité de la journaliste. Ils tirent certaines barbues, en soulèvent d’autres, en griffent d’autres encore, poussent, secouent, et n’hésitent pas à frapper un peu lorsque cela est possible. L’une des barbues est saisie par le cou, et hurle. Elle est jetée contre un mur alors qu’elle tente de défendre le photographe et se fait casser ses lunettes. Son étrangleur s’exclame « Pourquoi vous criez? Je vous ai pas touché ». On appelle la police.

Lunettes cassées

La police arrive. Elle relève les identités des barbues et cherche à les faire partir. Mais celles-ci entendent bien identifier leurs agresseurs. La police rechigne. Deux heures de négociation s’ensuivent. Les barbues refusent de céder. La police refuse de les laisser entrer pour procéder aux identifications. Les agresseurs sont finalement identifiés grâce aux photos prises pendant l’action. Au milieu des pourparlers, les pompiers arrivent. La rue Cadet est bloquée pendant deux heures. Plusieurs barbues comptent de beaux hématomes (épaule, genoux, etc).

Les activistes portent plainte : 7 sont enregistrées dont celle du photographe qui a reçu de nombreux coups. Les vidéos et les photos prises sont mises à la disposition de la police. Un dossier est ouvert : « LA BARBE c/ Grand Orient ». La mardi 29 mai 2012 entre 20h30 et 21h00, 16, rue cadet à Paris, dans la salle de conférence du Temple Arthur Groussier, 7 hommes sont suspectés de s’être rendus responsables de violences en réunion. Les dépositions s’enchaînent. La police prend note. Les prises de notes sont parfois cocasses : « nous dénonçons la domination masculine et l’invisibilité dans les lieux de pouvoirs »… Les femmes sont tellement invisibles qu’elles ont disparu de la phrase.

Quelques jours plus tard Charlie Hebdo fait un article qui agite son monde en haut lieu. L’affaire devrait passer au tribunal de grande instance. Mais, dans les milieux informés on sous-entend qu’il ne faudrait pas s’étonner si les policiers étaient dessaisis du dossier. Il faut dire que le Grand Orient compte pas mal de hauts gradés de la police dans ses rangs. Femmes invisibles contre pouvoir masculin occulte, voyons comment la justice s’en sortira…